نوشته هایی از هوشنگ سپهر
Houshang Sepehr Janvier 2000

Source : Inprecor N° 501, 2000-01-10, Politique générale (139 I)

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Les héritiers de Khomeini affrontent les étudiants


  Les démonstrations massives d'étudiants qui ont secoué Téhéran et les autres villes iraniennes au ‎cours de la seconde semaine de juillet représentent un changement important en Iran.‎

 L'histoire contemporaine de l'Iran est pleine d'événements similaires contre les régimes ‎despotiques. La révolution de 1979, rappelons-le, avait germé, s'est développée et avait été ‎soutenue essentiellement dans les universités. Même Khomeini, dont nombreuses sont les ‎citations qui ne témoignent d'aucune sympathie envers les étudiants et les universités, était plein ‎de louanges pour les étudiants en septembre 1979, six mois après la chute du Shah : « Les ‎étudiants iraniens, qui avaient affronté les privations, la torture et les épreuves durant de longues ‎années d'oppression par le régime du Shah ont été soumis à toutes les formes de pression, à la ‎détresse et à l'intimidation parce qu'ils ont osé se soulever contre la dictature, le despotisme et ‎qu'ils ont refusé de se soumettre aux forces du mal. »‎

 Mais six mois plus tard, quand il eut compris qu'il ne pourrait pas manipuler les étudiants à sa ‎guise, le même ayatollah Khomeiny qualifiait les universités de « centres de corruption » ‎propices aux « rêveries licencieuses ». Il leur déclarait la guerre, lançait contre eux sa sanglante « ‎révolution culturelle » et déclarait que « Tous les problèmes affligeant l'humanité ont leurs ‎racines dans les universités » C'est dans une telle atmosphère que le régime mobilisait ses forces ‎paramilitaires qui investirent les universités, en avril 1980, sous le prétexte de les « islamiser » ‎par une « révolution culturelle ». Il réalisait ainsi deux objectifs : il « purgeait » la sphère ‎éducative des partisans d'opposition, qui constituaient la grande majorité des étudiants et des ‎enseignants, et, en recourant à ses bandes paramilitaires, il instaurait sa loi et son ordre dans le ‎pays. Presque vingt ans plus tard le régime a essayé d'employer la même méthode dans une ‎situation entièrement différente.‎

 Au cours des deux décennies passés, le régime islamique n'est pas parvenu a laver les cerveaux ‎de la population, bien qu'il se soit assuré le contrôle absolu des universités et d'autres centres ‎culturels et éducatifs, qu'il ait imposé une idéologie islamique et son respect absolu à tous les ‎secteurs de la société et qu'il ait eu recours à une politique d'inquisition moyenâgeuse. Cette ‎résistance culturelle est une menace constante pour le régime islamique. Le régime sait ‎parfaitement que les revendications de liberté, de démocratie et de justice sociale, portées par les ‎étudiants, sont celles du peuple iranien tout entier. Aussi il a répondu par la répression féroce. ‎Notons que les deux fractions du régime islamique les « fondamentalistes », partisans du pouvoir ‎despotique absolu, et les dits « modérés », qui tentent de préserver aussi longtemps que possible ‎le régime vacillant en ravalant sa façade se sont unies dans la répression de la mobilisation ‎populaire.‎

 Un régime en crise

 Après deux décennies du règne du régime islamique l'économie iranienne est aux abois. Près de ‎dix années de réforme économique, menée par l'aile "modérée" du régime incarnée par l'ex-‎président Rafsanjani, pour répondre aux exigences de la finance internationale et d'organisations ‎telles le FMI et la Banque Mondiale, n'ont pas amélioré la situation. La corruption a submergé le ‎régime. Nombre d'officiels se sont immensément enrichis au travers du marché noir, favorisé par ‎le monopole étatique du commerce extérieur. D'autres sont devenus très riches en achetant à très ‎bas prix les industries nationalisées. Le cas de Rafighdoost, ex-chef des pasdarans, qui dirige ‎aujourd'hui la plus grande entreprise étatique en Iran et passe pour un des rares hommes de ‎confiance de Khamenei, est à ce titre exemplaire. Il y a quelques années sa participation dans le ‎scandale du transfert de la somme astronomique de 123 milliards de Rials vers une banque suisse ‎avait provoqué une tempête en Iran. Il est pourtant toujours à son poste.‎

Dépendant des exportations pétrolières, le budget iranien est déficitaire lorsque le cours du ‎pétrole baisse, comme ce fut le cas jusqu'à récemment. Une dette étrangère d'environ 16 milliards ‎de dollars et un endettement courant de la Banque centrale, qui s'élève à 11 milliards de dollars, ‎‎‎l'industrie pétrolière vieillissante nécessite des investissements importants : les besoins de l'Iran ‎pour les investissements dans le seul secteur pétrolier sont estimés à 100 milliards de dollars au ‎cours des dix prochaines années.

Le chômage touche de plus en plus largement la population. En absence de statistiques fiables, ‎beaucoup d'analystes estiment le taux de chômage à 40 %, voire plus. La population iranienne ‎s'est accrue rapidement depuis la révolution. Aujourd'hui la moitié des 65 millions d'Iraniens ont ‎moins de 18 ans et on estime qu'il faudrait créer un million de nouveaux emplois chaque année ‎pour embaucher cette jeunesse. Or la croissance du PNB diminue. Estimée à 5 % il y a trois ans, ‎à 2,5 % en 1997, elle aurait été de 0 % l'an dernier. Le problème du chômage est particulièrement ‎aigu parmi la jeunesse urbaine. Et les jeunes diplômés sont particulièrement sensibles à l'absence ‎de débouchés.

UU

Rappelons que, lorsque le régime fut obligé d'accepter la fin de huit ans de guerre avec l'Irak, il ‎avait liquidé plus de 10 000 prisonniers politiques en quelques jours, un acte de barbarisme sans ‎précédent, pour venger son humiliation. Il décidait alors de liquider aussi ses adversaires ‎politiques à l'étranger et lançait de vastes activités terroristes à travers le monde, assassinant plus ‎de cent oppositionnels émigrés. Il s'agissait pour lui d'une mesure préventive, visant à étouffer ‎toute critique à l'étranger et dans le pays. Mais il est allé trop loin et s'en est vanté trop ‎bruyamment, ce qui eut pour résultat sa condamnation au niveau international. En juillet 1996, ‎cinq des personnalités les plus proéminentes du régime étaient officiellement condamnées par ‎une cour allemande, pour avoir organisé les assassinats des activistes de l'opposition politique à ‎l'étranger. A la recherche désespérée de crédits auprès d'organisations internationales, le régime ‎n'avait d'autre choix que de chercher à donner le change par une initiative susceptible d'améliorer ‎son image à l'étranger.

C'est précisément dans ce contexte politique et économique que la population iranienne s'est vue ‎offrir la chance de participer à la farce que le régime islamique appelle « élection présidentielle » ‎Normalement les élections sont considérées comme un moyen d'exercer la liberté politique visant ‎à choisir le gouvernement. Dans le régime islamique elles n'ont pour rôle que de prolonger, ‎d'approfondir et de renforcer la dictature. C'est donc une imposture et une fraude. Normalement ‎les élections sont un moment où la liberté politique atteint son comble. L'élection présidentielle ‎de 1997 fut préparée dans une telle atmosphère de répression, de crainte et de terreur que même Moussavi, qui fut premier ministre entre 1980 et 1988 mais n'appartenait pas à la fraction ‎dominante, n'a pas osé être candidat. Ces derniers furent triés sur le volet. Des 234 candidats ‎éventuels seuls quatre ne furent pas rejetés comme inaptes par le Conseil constitutionnel, qui est ‎un chien de garde de la constitution islamique. Parmi les refoulés figurait l'ex-porte-parole du ‎parlement islamique et l'ex-premier ministre. Les quatre candidats sélectionnés furent : Nateq-‎Nouri, alors porte-parole du parlement islamique, candidat réel du régime ; Khatami, qui avait été ‎‎en charge du ministère (d'importance secondaire) de la propagande islamique entre 1980 et 1988, ‎un inconnu du public et hors de la scène politique depuis dix ans ; le troisième candidat était l'ex-‎ministre de la sécurité de très mauvaise réputation ; le quatrième n'avait pas de passé connu.

Khatami président d'un peuple qui a dit « non ! »‎

Notons que ni durant la compagne électorale, ni depuis lors, Khatami n'a fait de promesses ‎‎démocratiques, se limitant à vouloir « appliquer de loi » (de la République islamique), ‎d'empêcher quelle ne soit enfreinte et de promouvoir l'ouverture dans le cadre du système. Au ‎mieux il se prononçait en faveur de ce qu'il nommait « la société civile islamique », une sorte de ‎démocratie islamique à l'image du Pakistan, tandis que la théocratie saoudienne est le modèle de ‎l'autre fraction.

Malgré le fait que le régime avait mis tout appareil d'État et toute sa machine de propagande pour promouvoir Nateq-Nouri (ou plutôt à cause de cela), à la surprise de tout le monde, Khatami ‎‎obtint environ 70 % des votes. Plus surprenant encore était le taux de participation : environ ‎85 %, un chiffre sans précédent.

Avec une forte participation des femmes, de la jeunesse et des intellectuels, Khatami a obtenu 21 ‎‎millions de voix contre 9 millions pour l'ensemble de ses trois adversaires. Personne n'imaginait ‎un tel résultat.

Le régime était placé devant un fait accompli..

Il était évident que ce vote massif pour Khatami signifiait un très grand « non » au régime. Pour ‎la première fois après tant d'années la population avait une chance d'exprimer son aspiration au ‎changement. Elle saisissait l'occasion et l'employait comme un plébiscite pour exprimer le rejet ‎du régime. C'est de cette façon que la soi-disante « aile réformiste » du régime est née, une ‎étiquette imposée involontairement par les circonstances à Khatami et à ses partisans actuels au ‎‎sein du régime.

LL

Après la défaite très remarquable du régime dans l'élection présidentielle, les masses reprirent ‎confiance. La société iranienne, et spécialement les femmes et la jeunesse, saisit tout événement ‎‎‎ont ressenti un soulagement particulier devant la limitation des restrictions sociales, repoussant ‎les frontières du droit islamique strict en exposant quelques centimètres de chevelure de sous leur ‎voile omniprésent. Conduire une bicyclette ou assister à un match de football (activités ‎strictement interdites aux femmes) devenait un sujet politique central, provoquant des ‎affrontements violents entre les femmes et la police.

Dans ce climat, les graines d'une presse plus libre ont germé et les écrivains commencèrent à ‎réclamer des droits civiques. Divers strates de la société défiaient le vieil ordre, même certains ‎clercs allaient contre la règle cléricale. Le premier mai de cette année, malgré l'interdit ‎gouvernemental, les ouvriers organisèrent un rassemblement indépendant et se sont affrontés ‎avec la police du régime et les groupes paramilitaires. Même les dirigeants nationalistes ‎bourgeois très lâches saisirent l'occasion pour réclamer des réformes.

Profondément opposé au moindre changement du système, le régime a commencé à montrer ses ‎dents. La presse de plus en plus critique a été reprise en main par la justice islamique, qui a fermé ‎au moins trois journaux réformateurs depuis le début de l'année et a condamné des douzaines de ‎journalistes. Certains ont été harcelés, d'autres emprisonnés. En deux mois le régime a fait ‎assassiner une douzaine d'intellectuels tentant de constituer une association indépendante ‎d'écrivains. Un dirigeant de l'opposition nationaliste et sa femme ont également été victimes des ‎assassins téléguidés par le pouvoir.

Contre la liquidation d'opposants, un mouvement pour la démocratie. C'est pourtant ces ‎assassinats qui se transformèrent en boomerang et changèrent qualitativement la scène politique. ‎Les funérailles des victimes attiraient des milliers de manifestants, transformant des vies somme ‎toute communes en un emblème du désir populaire de penser et d'agir librement. Sous la pression ‎publique irrésistible, le gouvernement devait réagir. Après des jours d'hésitation et de ‎manoeuvres, un comité gouvernemental d'enquête sur ces assassinats fut constitué. Ce comité ‎‎suspicion se concentra aussitôt sur le gouvernement lui-même. Le 6 juillet, le gouvernement ‎révélait ce que tout le monde savait : c'était les agents de l'État qui ont commis les assassinats. ‎Les rapports indiquaient aussi les noms de 12 agents, parmi lesquels figurait M. Emami, un vice-‎ministre des services secrets. Le 7 juillet, les conservateurs qui dominent le Majlis (parlement ‎islamique) réussissaient à adopter une loi de presse extrêmement restrictive. Le 8 juillet, le ‎quotidien Salaam, était fermé, sous prétexte d'avoir publié un document classé : une lettre, dans ‎laquelle M. Emami, l'agent principal accusé d'assassinat d'une douzaine d'intellectuels, avait ‎‎argumenté en faveur précisément d'une telle loi de presse restrictive. Il avait été arrêté un mois ‎auparavant. En le tuant en prison le régime s'en débarrassait (tout en annonçant qu'il s'était ‎suicidé).

La tension montante entre le mouvement pour la démocratie et le régime explosait enfin dans le ‎carnage quand les forces de sécurité et les islamistes ont attaqué les étudiants qui protestaient ‎‎

Le 9 juillet, à 4 heures du matin, les foyers d'étudiants étaient sauvagement attaqués par les ‎paramilitaires religieux et par des membres de forces de sécurité d'État. Ils fouillaient plus de ‎‎2000 pièces, brûlaient les livres, volaient ce qui leur tombait sous la main, frappaient et‎ arrêtaient plusieurs centaines d'étudiants. Plusieurs étudiants étaient tués, dont un jeune homme ‎défenestré du troisième étage.

Le lendemain la condamnation des actions sauvages des forces de sécurité était générale. La ‎plupart des étudiants emprisonnés furent libérés. A Téhéran plus de 25 000 personnes ont ‎manifesté contre la répression. Des démonstrations similaires avaient lieu dans toutes les grandes ‎villes. Les étudiants formulaient sept revendications :‎ ‎

·                                 liberté d'expression ;‎ ‎

·                                 liberté de la presse ;‎ ‎

·                                 liberté de rassemblements ;‎ ‎

·                                 liberté de partis politiques et d'associations ;‎ ‎

·                                 libération de tous prisonniers politiques;‎ ‎

·                                 suspension de leurs fonctions et jugement des responsables des‎‎ assassinats politiques de l'année passée ;‎

·                                  jugement public des responsables du saccage des foyers d'étudiants.‎

Au cours d'événements similaires les étudiants de la ville de Tabriz étaient sauvagement ‎réprimés. Le conseil islamique des étudiants de l'université de Tabriz avait communiqué au ‎‎‎commencé comme un sit-in pacifique a tourné au massacre lorsque la police est venue prêter ‎main-forte aux vigiles islamistes qui attaquaient d'autres manifestants dans la rue. Les ‎paramilitaires avaient enfermé les étudiants dans l'enceinte de l'université pour les passer à tabac ‎durant des heures. Un commando est venu à l'hôpital pour y enlever les étudiants blessés par ‎balles. Devant l'atrocité des événements de Tabriz, même le ministre de l'enseignement supérieur ‎les qualifiait comme « les plus criminels dans l'histoire des universités iraniennes ».

Au cours de ces journées plus de 1 500 personnes avaient été arrêtées, dont des dirigeants ‎étudiants et des opposants connus. Presque tous les arrêtés étaient âgés de moins de vingt ans, ‎c'est bien la génération du régime islamique qui s'est révoltée.‎ Le régime a tenté de discréditer le mouvement des étudiants en le rendant responsable des ‎violences et pillages, dus essentiellement à des provocateurs et dénoncés comme tels par les ‎responsables étudiants (un des responsables, membre d'une milice islamiste extrémiste, a été ‎‎‎interdire une demi douzaine de quotidiens indépendant qui ont joué un rôle clé en fournissant ‎l'information et en étant des porte-voix pour la réforme durant les deux années passées.

Le régime étouffe ses divergences pour écraser le mouvement Avec un instinct politique ‎remarquable, les étudiants ont fait le lien entre la corruption du régime et leurs revendications ‎démocratiques. Les cercles dirigeants du régime ne s'accrochent pas à leur monopole de pouvoir ‎essentiellement à cause de leur dogmatisme ou de leur fanatisme religieux. Ils ont besoin du ‎monopole du pouvoir car il protège et prolonge leurs privilèges matériels.

L'immense sympathie pour les étudiants a visiblement secoué le régime. Pour affronter l'agitation ‎les deux fractions ont mis de côté leurs divergences et ont fait front pour étrangler le mouvement ‎ ‎provoquer l'agitation pour renverser Khatami ou pour bloquer son programme de réforme, tandis ‎que les conservateurs ont allégué que les émeutes étaient un signe témoignant que les réformes ‎de Khatami sont allées trop loin. Une semaine après la suppression du mouvement des étudiant, ‎Khatami lui-même à mis fin à ces discussions, dénonçant comme une « illusion » l'existence de ‎divergences à la tête de l'État et expliquant que l'agitation était une « déclaration de guerre » ‎contre son programme de réformes. En réalité, au début des événements l'élite au pouvoir était ‎divisée. L'ayatollah Khamenei était en faveur d'une répression rapide et exemplaire des étudiants, ‎ce qui le rangeait du côté des éléments ultra-conservateurs, hostiles aux moindres mesures ‎d'aménagement du système. Pour sa part le président Khatami, après une certaine hésitation, a ‎‎penché en faveur d'une réaction plus mesurée envers les étudiants, dans l'espoir qu'une ouverture ‎contrôlée permettrait de rebâtir une légitimité populaire. La réaction massive des divers couches ‎de la société y compris les journalistes et les enseignants universitaires en solidarité avec les ‎étudiants a visiblement déconcerté le régime.

Dès ce moment, considérant que le mouvement avait franchi « la ligne rouge » et que ses ‎‎réformiste se sont rangés rapidement et sans la moindre hésitation aux arguments de la ligne ‎dure. Dès le 13 juillet Khatami commandait personnellement la liquidation du mouvement ‎‎étudiant.

Les éléments durs du régime ont tenté de jouer la crise pour leurs propres buts, employant leurs ‎méthodes de violence contre le mouvement des étudiant, les élargissant pour faire régner la ‎terreur dans les quartiers, et culminant dans la mise en scène d'une marche anti-étudiants le 14 ‎juillet . Les « partisans du régime » ont été amenés des villes de province, les employés ‎d'institutions de l'état et les soldats étaient forcés de participer à cette marche . Une atmosphère ‎de terreur est descendue sur l'Iran. Les faubourgs et les quartiers de Téhéran ont été colonisés par ‎les bandes des matraqueurs Hezbollah, qui terrorisaient le voisinage et les passants. Les magasins ‎et le bazar ont été forcés de fermer et les téléphones furent déconnectés lors de la démonstration ‎officielle en faveur de « l'unité », c'est-à-dire de la restauration du régime.

Malgré cela, le régime ne fut capable de mobiliser que 60 000 à 80 000 manifestants à Téhéran, ‎ce qui, comparé à une population de près de 12 millions d'habitants et tenant compte de la ‎capacité de coercition d'une bureaucratie estimée à plus de 4 millions, était un échec. Mais cela ‎n'a pas empêché le régime de s'en féliciter et de parler de millions de manifestants. Ce qui avait ‎commencé comme un mouvement étudiant spontané, authentique soulèvement en défense de la ‎libertés de la presse et des réformes politiques, fut ainsi officiellement confisqué par les ‎extrémistes religieux.

La répression s'est poursuivie. Un des étudiants arrêtés, Manuchehr Mohammadi, dirigeant de ‎‎l'association nationale des étudiants, est brièvement apparu à la télévision d'État, confessant ses ‎liens avec des « agents contre-révolutionnaires ». Au début septembre, juste avant la réouverture ‎des universités, le régime annonçait les condamnations à mort de quatre étudiants arrêtés lors des ‎manifestations de juillet, et un peu plus tard on apprenait que deux des condamnations avait déjà ‎été approuvées par la Cour suprême. Aucune information sur l'identité des condamnés, aucun ‎détails sur le déroulement des procès et sur les accusations formulées contre les condamnés ne ‎sont disponibles. Les procès devant les Cours révolutionnaires islamiques se déroulent dans le ‎secret absolu, souvent à l'intérieur des prisons, en absence d'avocats et d'observateurs. Les ‎jugements sont sans appel.

UU

La sauvagerie de l'attaque menée par les forces de sécurité du régime et les bandes de ‎matraqueurs Hezbollah, comme la répression qui a suivi, ont montré une fois de plus que le ‎régime n'est pas capable de se réformer lui-même. Même fort de 21 millions de votes, un ‎Khatami ne peut dépasser le seuil sur lequel les réformes de son rusé prédécesseur Rafsandjani ‎ont échoué. Certains dirigeants étudiants ont aussi tiré les leçons du soulèvement réprimé et ‎annoncent déjà la fin de la lutte pacifique et la nécessité d'utiliser d'autres méthodes.

Il est trop tôt pour juger si le climat politique en Iran a été renversé , si l'ère de réforme s'est ‎abruptement terminé ou si, au contraire, il ne s'agit que d'un tiraillement douloureux de sa ‎naissance. Mais une chose est certaine, aujourd'hui l'Iran n'est plus la même qu'en juillet 1997. Si ‎beaucoup d'Iraniens n'ont jamais eu d'illusions dans une quelconque fraction du régime, une ‎grande partie de ceux qui avaient ouvert un crédit à Khatami sont aujourd'hui totalement ‎désillusionnés et frustrés par son changement glacial. Khamenei et sa fraction des "durs", très ‎humilié, a aussi encaissé un coup important. Il est plus que certain qu'une fois encore il essayera ‎de jouer son rôle de médiateur et juge suprême, de pousser les éléments les plus extrémistes des ‎deux fractions hors de la scène politique et de mettre de l'ordre dans le camp de son rival. Mais, ‎d'une part, il n'a pas la même autorité que Khomeini dans le passé, et d'autre part, la société ‎iranienne n'est plus la même qu'il y a dix ou même seulement deux ans. Les étudiants ont ouvert ‎la boite de Pandore et personne n'est capable de remettre le monstre de la liberté à l'intérieur !‎