Sur la nature du régime iranien
L’actuel régime Islamique en Iran est une des dictatures les plus répressives et brutales du monde. Suite à son accession au pouvoir après la révolution de 1979, le régime capitaliste-théocratique a immédiatement entrepris d’étouffer les justes aspirations démocratiques des peuples d'Iran. En ce qui concerne les droits les plus élémentaires, la situation en Iran est certainement bien pire qu’elle ne l’a jamais été dans l’histoire récente.
Dans la République Islamique d’Iran, il y a aujourd’hui, beaucoup plus de prisonniers politiques, d’arrestations arbitraires et d’exécutions sommaires, une pratique de torture physique et psychologique beaucoup plus étendue, un respect des libertés politiques et des droits de l’Homme beaucoup moins grand et une forme de censure et de répression des libertés artistiques et intellectuelles beaucoup plus flagrante que jamais auparavant.
La classe ouvrière est privée des droits les plus fondamentaux tel que le droit d’association, de négociation collective et de grève. Les femmes sont confrontées à une oppression sans précédent avec les lois moyenâgeuses et réactionnaires du régime religieux qui les réduisent officiellement au rang de citoyens de seconde. Elles subissent de plus en plus d’actes de violence et sont généralement considérées comme la « source principale du mal » sur la terre. Tous les droits des minorités nationales et religieuses sont supprimés. Le régime mène une politique d’occupation militaire de leurs régions et utilise les méthodes de répression les plus brutales pour écraser leur résistance.
Néanmoins, l’opposition populaire aux atrocités par le régime islamique grandit. Les ouvriers, les femmes, les étudiants, les intellectuels, les minorités nationales et toutes les couches de la population opprimée ont résisté contre ces attaques et ont continué à lutter pour leurs revendications malgré la riposte extrêmement dure et violente de l’Etat. Pour l’actuel régime, le seul moyen de maintenir sa mainmise sur le pouvoir réside dans sa capacité d’imposer les formes de répression politique les plus brutales à l’immense majorité de la population.
Mais malgré tout cela, depuis la révolution 1979, on constate que ce régime, continue à « tromper » beaucoup d’observateurs occidentaux, notamment dans certains milieux d’extrême gauche. La confusion intrinsèque sur la nature du régime se situe précisément dans le fait qu’il est parfois considéré comme un régime post-révolutionnaire.
Khomeiny établit sa dictature thermidorienne
On entend souvent l'argument suivant : bien que ce régime soit mauvais, dictatorial et rétrograde, il est néanmoins issu d'une révolution contre la dictature de Shah. D’une façon ou d'autre, cette logique mécaniste et simpliste est alors employée pour accorder un certain air de progressivité à un régime qui pour n'importe quel observateur même avec un sens politique moyen n'est rien d’autre qu’un alliage entre capitalisme libéral et théocratie semi-fasciste.
Les apologistes de la République Islamique, depuis 1979, ont constamment recouru à de telles analyses simplistes et ce subterfuge comme l’écran de la fumée pour dissimuler le caractère brutal et moyenâgeux de ce régime capitaliste-clérical sans pareil dans l'histoire moderne. Ce que tous apologistes ne mentionnent pas est le fait que ce régime est en effet bien sorti d'une révolution, mais en tant que contre-révolution, en défaisant cette révolution, en écrasant le mouvement de masse qui avait renversé le régime du Shah et en établissant son propre ordre bien plus réactionnaire que celui qu'elle a remplacé.
Aujourd’hui, le même régime qui, devant le monde entier, collabore en Afghanistan et en Irak avec George Bush, fait de son mieux pour envoyer l'ensemble de la société iranienne vers le moyen-âge.
Ainsi ce prétendu régime post-révolutionnaire qui n’est qu’une contre-révolution est à la fois :
- un thermidor, concept très cher à notre mouvement, de genre plus stalinien que révolution française,
- une version tiers-mondiste au fort relent d’islam intégriste !
Aujourd’hui, 27 ans après cette événement, un fait bien documenté nous rappelle qu’au milieu de l’année 1979, au sein du niveau supérieur des cercles bourgeois internationaux et iraniens (la conférence de Guadeloupe et celle de Neauphle-le-Château), les puissances concernées étaient arrivées à un compromis simple : vous vous débarrassez de la révolution et nous nous débarrassons du Shah ! Du "gagnant-gagnant", comme on dit dans le business !
Rafraîchissons-nous la mémoire. La révolution iranienne de 1977-1979 était l'une des révolutions les plus importantes du 20e siècle, avec un degré incroyable de participation des masses qui a duré deux ans. Pendant les quatre derniers mois menant à l'insurrection en février 1979, il y a eu une grève générale impliquant plus de 4 millions d'ouvriers. Les comités de grève avaient pris naissance partout et les comités de voisinage contrôlaient la plupart des secteurs urbains. La nuit de l'insurrection dans Téhéran on a estimé que plus de 300 000 revolvers et mitrailleuses ont été dévalisés dans diverses casernes militaires et distribués à la population. Ce n’est pas étonnant si la contre-révolution était également l'une des contre-révolutions les plus rusée et des plus sanglantes de l'histoire récente.
On surnommait le dernier Shah d’Iran, à juste titre, « le boucher du Moyen-Orient ! » En presque 40 ans de règne dictatorial, environ 500 prisonniers politiques ont été exécutés. Le nouveau régime, dans ses 10 premières années uniquement, et avec l’estimation la plus basse, a exécuté plus de 40 000 prisonniers politiques, tous les dirigeants et les activistes de la révolution 1979. Si ce n’est pas un thermidor, quoi d’autre ce peut être ?
Les résultats historiques de cette contre-révolution sont également sous nos yeux. Si pendant la dernière décennie du règne du Shah un groupe d'environ 100 familles employait la puissance d'Etat pour monopoliser l'économie iranienne tout entière, ceci a été maintenant réduit à moins de 60 familles. Si le Shah permettait, à un certain degré limité, un syndicalisme jaune et docile de fonctionner dans son royaume, la République Islamique ne peut même pas tolérer la représentation d'ouvrier dans un système de tripartite comme l’Organisation Internationale de Travailleurs (OIT), un organisme qui gère les intérêts du capitalisme. Seule des associations islamiques contrôlées par les mosquées locales ou les groupes paramilitaires local sont permises.
Aujourd’hui en Iran la majorité de la population est officiellement sous le seuil de pauvreté. C'est un pays riches en ressources naturelles, qui a presque quadruplé ses recettes de ventes de pétrole au cours des 10 dernières années, (120 milliards de dollars en 2005 et 2006).
Jamais dans l’histoire de L'Iran, le fossé qui sépare les plus riches des plus pauvres n’a été aussi grand. Avec 10 millions de chômeurs pour une population de 70 millions, quelques 15 millions d’Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. Plus de 4,5 millions d’Iraniens vivent avec un dollar par jour. La vente des reins ou d’autres organes est maintenant la plus grande source de revenu pour les pauvres urbains.
Dans une telle situation le régime, partisan d’un libéralisme sauvage, a, à plusieurs reprises, modifié le Code du travail pour le rendre plus favorable au patronat. Dernier exemple : les entreprises de moins de 20 personnes ont été exemptées de l’application du Code du travail pour ce qui est de la couverture sociale ou de la nécessité de justifier une décision de licenciement. En approuvant cette loi, qui concerne plus de 80% de la force de travail, dont la majorité sont des femmes, le régime a renforcé l'atmosphère de discrimination dans le milieu du travail, ainsi que la double exploitation des femmes. En ce moment, il y a des dizaines de milliers d'ouvriers dont les salaires n'ont pas été payés depuis un an. Il n'y a absolument aucune protection en vertu de la loi pour presque 85% de la main-d'oeuvre. Le taux de suicide au sein de la classe ouvrière iranienne est très élevé, atteignant un niveau beaucoup plus important que lors de la révolution industrielle en Europe.
Anti-impérialisme des imbéciles
Quant à l’anti-impérialisme de la République Islamique, un mythe très cher à certains groupes radicaux et révolutionnaire, le régime capitaliste-islamique n'a eu absolument aucun problème à négocier avec l'impérialisme américain et même avec Israël par l'intermédiaire de George Bush senior. Oublions les rhétoriques quotidiennes anti-terroristes développées par les médias internationaux. Tout le monde sait que sans l’accord et l’appui du régime de Téhéran, les Etats-Unis ne pourraient rester ni en Afghanistan ni en Irak. George Bush peut accuser l'Iran de déstabiliser l’Irak, tandis que le régime iranien peut blâmer la menace de la guerre pour supprimer toute opposition dans le pays. Voyons justement comment la crise nucléaire les a tous les deux aidé :
- le régime iranien veut se faire pardonner par le monde musulman sa collaboration avec l'impérialisme américain lors de son occupation de deux pays voisins.
- l'impérialisme américain de son côté, veut justifier non seulement son occupation militaire de la région tout entière mais également augmenter sa présence et intensifier sa menace.
Mais même ces faits incontestables et solides ne résolvent pas la difficulté des apologistes de régimes. La raison en est l’incapacité de ces gens-là à prendre en compte la spécificité de la révolution iranienne : thermidor, c’est-à-dire la vérité historique suivant laquelle la même force avait participé successivement à la révolution et la contre-révolution. Il s'agit là d'un paradoxe qu'il faut essayer de comprendre.
Il y a naturellement une réponse simple à cette question. Afin de pouvoir contrôler la révolution et l'écraser ultérieurement, les partisans de Khomeiny ont dû la mener. Et il y a plus qu'un élément de vérité en cela. En détournant la colère des masses contre l'impérialisme américain et la classe dominante de nouveaux capitalistes autour du Shah vers l’impasse d'une idéologie moyenâgeuse anti-Occidentale et "anti-infidèles", ils sont réussi à dissimuler aux masses leur propre nature réactionnaire de classe. Mais les raisons réelles de cette contradiction apparente se trouvent dans le caractère spécifique de la classe dominante iranienne et les changements qu'elle a subie après la révolution dite « blanche » du Shah, durant les années soixante.
On peut dire que les révoltes des pauvres urbains en 1976 et leurs nombreuses confrontations avec les forces militaires du Shah étaient les premiers signes du début de la crise révolutionnaire en Iran. La force motrice de ce mouvement était les masses révolutionnaires progressistes rassemblant des ouvriers, des paysans pauvres, les habitants des bidonvilles des périphéries des grandes villes, les étudiants, des jeunes femmes, et une partie importantes des minorités nationales. Tous revendiquaient de la justice, de la liberté et de l'indépendance.
La spécificité très particulière de la révolution iranienne qui la distingue des autres est qu'un an après ces premiers signes, au début 1977, par opposition à ces forces révolutionnaires progressistes sont apparues également d'autres masses « islamiques » très rétrogrades mais bien organisées et menées par une faction de la hiérarchie chiite en coalition avec un groupe puissant de négociant du bazar. Ce bloc se composant d'une coalition hétéroclite de divers courants politiques bourgeois religieux, allant des libéraux aux fondamentalistes religieux. Cette deuxième force a reçu un appui de masse de secteurs traditionnels et numériquement significatifs de la petite bourgeoisie urbaine et rurale grâce à ses divers réseaux religieux et caritatifs liés à la mosquée locale, qui pouvait également mobiliser l'appui des pauvres et du lumpen- prolétariat.
Rapidement, cette deuxième force très rétrograde et réactionnaire s'est avérée plus puissante que les masses révolutionnaires. Leurs dirigeants avaient déjà établi le Conseil secret de la révolution islamique.
Celui-ci avait négocié avec succès le transfert du pouvoir :
- d'une part avec les USA, pays patron du Shah,
- d'autre part en Iran avec les forces armées et sécuritaires.
L'insurrection a eu lieu parce que les commandants de la garde royale n'ont pas respecté cet accord et ont mobilisé leurs unités pour écraser les casernes pro-révolutionnaires de l'Armée de l'air à Téhéran. Réagissant à cette attaque, les sous-officiers de cette caserne ont distribué des armes à la population qui a mené l’insurrection armée quelques heures plus tard.
Le bloc qui a pris le pouvoir a non seulement sauvé l'Etat bourgeois d'une destruction presque certaine, mais a également renforcé les forces réactionnaires par l'addition d'une multitude de groupes paramilitaires nouvellement mobilisés de manière permanente, comme l'armée des Gardiens de la révolution islamique (Pasdaran) ou les corps de mobilisation (Basij). Très rapidement il a désarmé et écrasé le mouvement révolutionnaire de masse et a décapité ses dirigeants. DATE Au début il a collaboré avec les fractions libérales de l'opposition bourgeoise anti-shah. Mais dès qu'il a consolidé son propre pouvoir il a poussé toutes les autres fractions hors du pouvoir, puis ouvertement établi un régime islamique théocratique. Aujourd’hui, 27 ans plus tard, c’est toujours ce même bloc qui détient le pouvoir en Iran.
Un aperçu rapide et bref de l’histoire de ce conflit avec le Shah montre clairement la nature réactionnaire de ce bloc. Commençons par le clergé.
Le clergé chiite
Depuis le 17ème siècle la hiérarchie chiite était historiquement une partie bien établie de l'Etat asiatique despotique traditionnel en Iran. Elle contrôlait, entre autres, l'éducation et l'ordre judiciaire. Elle possédait ses propres propriétés foncières et sa propre source d'imposition sur la population, elle avait ses propres troupes armées de collecteurs d’impôts islamiques (Zâkat, Khoms).
A la fin du 19e et au début du 20e siècle, une faction puissante de cette hiérarchie a commencé à s'engager ouvertement dans la politique et s’est opposée aux réformes bourgeoises de l'Etat. On peut dire, qu’ils étaient les ancêtres idéologiques de Khomeiny. Parmi eux figuraient certains des mollahs les plus réactionnaires de l’époque. Certains se sont ouvertement associés à l'impérialisme russe et britannique. Ce groupe s’est opposé à Mozaffaredin Shah (1853-1907) et à la Révolution Constitutionnelle de 1905-06. Son mot d’ordre, aujourd’hui glorifié par régime actuel était : Non à la légitimité constitutionnelle ! Oui à la légitimité islamique ! D'une manière très semblable à ce qui s'est produit lors de la révolution de 1979.
Ce groupe s'est opposé,
- d'une part à la révolution parce qu'il était réactionnaire
- d'autre part à la réaction au pouvoir à l’époque et dont l’existence était menacée par ce nouveau rival.
Celui-ci avait une apparence plus moderne ou plus bourgeoise. Une ressemblance avec ce qui a eu lieu dans l'Eglise catholique qui a éclaté en factions, opposées ou en phase avec l’émergence du mode capitaliste et ses rapports sociaux inédits.
Une scission semblable a eu lieu à l'intérieur de la hiérarchie chiite. À côté des mollahs soutenant les réformes constitutionnelles il y avait les fondamentalistes qui ont voulu instaurer une règle islamique. L'impérialisme britannique a eu des agents dans les deux camps, ce qui est « compréhensible » !
Ainsi, les ancêtres idéologiques de Khomeiny étaient simplement contre le concept « de citoyenneté », contre le droit de vote. En un mot, ils considéraient la démocratie comme une corruption occidentale conçue par les infidèles pour détruire l'Islam. Bien qu'après la victoire de la révolution constitutionnelle de 1906, les chefs de cette faction aient été pendus devant le nouveau parlement. La défaite de cette révolution en 1911 a renforcé cette faction réactionnaire aux dépens de la section plus progressiste.
Après la révolution russe, les intérêts de l'impérialisme britannique ont été mieux servis par un Etat-nation centralisée construit d'en haut, qui pouvait se lever contre la menace bolchevique. L'accession au pouvoir de Reza Shah (1921-1941) et ses réformes d'Etat, ont poussé cette faction au conflit direct avec l'Etat. Le soutien de l’occident à Reza Shah et à son fils a donné à cette faction très rétrograde un nouveau bail dans la vie politique. La faction progressiste a disparu, emportée par la corruption et a été intégrée au nouvel Etat bourgeois.
Le dernier coup porté contre l’infrastructure de l'Etat asiatique était la prétendue « révolution blanche » du Shah. Au début des années soixante, sous la pression de l’administration Kennedy, le Shah annonça quelques mesures de libéralisation et quelques réformes, englobées pompeusement sous le nom de “Révolution Blanche”. Celle-ci minait sérieusement le rôle, le prestige et surtout le pouvoir matériel du clergé, grand propriétaire terrien. C’est alors que la faction réactionnaire a fortement donné de la voix. Khomeiny, alors un ayatollah de second rang, se lança dans l’opposition ouverte à la “Révolution de palais”. Certes une partie des religieux se sentait sans doute lésée par les projets de réforme agraire, mais Khomeiny axa ses anathèmes surtout contre le projet de loi électorale qui donnait aux femmes le droit de vote, et aux minorités non musulmanes l’accès aux postes publics. Il déclarait y voir un “complot des impérialistes et des sionistes”.
Mais le Shah traita tous les mollahs de “sodomites” et "d’agents à la solde des Britanniques". Khomeiny, lors d’un discours incendiaire, dénonça alors publiquement le monarque. Son arrestation, le 3 Juin 1963, déclencha des émeutes et des manifestations de masse que le Shah fit réprimer dans un bain de sang. En 1964, Khomeiny, relâché, lança de nouveau des attaques, cette fois contre des privilèges accordés aux Américains vivant en Iran. L’impérialisme américain, ennemi n° 1 de tous les musulmans, devint un de ses principaux thèmes. Du coup, il fut envoyé en exil, d’abord en Turquie, puis en Irak et finalement à Neauphle-le-Château, en région parisienne.
Khomeiny qui a mené la révolte contre les réformes du Shah était déjà une figure connue dans les cercles islamiques avant le coup d’état militaire de 1952 organisé par la CIA qui avait renversé le gouvernement de Mossadegh et remis le Shah au pouvoir. Il prônait déjà l'opposition aux « infidèles occidentaux » et avait déjà publié son projet politique dans un livre intitulé « l’Etat islamique ». Simplement parce que la hiérarchie chiite dans son ensemble avait trahi Mossadegh et pris la défense du coup d’Etat, il s’est tenu à l’écart. La "révolution blanche" lui a donné la possibilité de marginaliser l'ensemble de la hiérarchie au profit de sa propre faction.
Les bazaris, le fonds de commerce du fascisme islamique
Quant à la deuxième partie du bloc, les grands commerçants du bazar, ils étaient également une partie de la classe au pouvoir depuis plus d'un siècle. À l'heure de la "révolution blanche" du Shah, ils ont eu la domination complète sur le secteur privée de l'économie iranienne. Ils ne ressemblaient nullement à une version iranienne de la prétendue bourgeoisie nationale. Cette couche qui traditionnellement avait des liens très étroits avec la hiérarchie chiite, a volontairement soutenu le coup d’Etat de 1952. Elle a cependant été fondamentalement menacée par les réformes du Shah. Au cœur de la « révolution blanche » du Shah il y avait une tentative d'industrialisation limitée, basée sur la production de biens de consommation pour le marché intérieur sous licence de compagnies étrangères. Ceci a directement menacé les intérêts des couches marchandes. Le gouvernement avait déjà introduit des taxes à l'importation pour réduire leurs activités. Le nouveau groupe de capitalistes « industriels » qui s’est développé autour de la cour royale a peu à peu poussé la couche traditionnelle hors de la classe dominante et a établi sa propre hégémonie sur l'économie iranienne. Bien que les commerçants du bazar aient toujours eu accès à d'énormes richesses et au capital, ils ont été repoussés au rang de citoyens de seconde zone. Dés lors ils sont devenus les banquiers de la faction réactionnaire à l'intérieur de la hiérarchie chiite.
Nous avions déjà vu cette coalition contre le Shah et ses réformes dix-sept ans avant la révolution 1979. Ce mouvement avait été écrasé par le Shah et Khomeiny expulsé vers l'exil. Quand en 1976 les premiers signes de la crise structurelle du capitalisme iranien sont devenus évidents, cette coalition est entrée de nouveau en action. En l'absence d'autre opposition organisée, à cause de la faillite des forces nationalistes bourgeoises et de la gauche prosoviétique menée par le parti Tudeh pendant la dictature du Shah, la hiérarchie chiite avec son vaste réseau de mosquées et bien financée par les commerçants du bazar, a rapidement assuré la conduite du mouvement de protestation. Elle a imposé ses propres slogans et aspirations comme revendications de la révolution.
La classe capitaliste, nationalement et internationalement, a immédiatement reconnu et soutenu cette contre-révolution car elle n’avait aucune autre alternative pour sauver l'Etat bourgeois. Mais il ne s'agissait nullement d'un régime capitaliste « normal ». Dans un régime capitaliste « normal » vous vous attendez à ce que probablement deux capitalistes avec la quantité égale de capital obtiennent le même taux de rendement moyen. Dans la république islamique, l’un peut risquer sa peau tandis que l'autre obtient 10 fois le profit moyen sans même risquer son capital !
A la longue ce régime est amené à se transformer selon les besoins de l'Etat bourgeois qu'il protège. C'est un paradoxe, mais les Neo-cons US peuvent apprécier le pouvoir iranien qui effectue sa politique de privatisation. La seule différence est qu'en Iran, le régime explique que la privatisation de l’économie est faite de « manière islamique », c'est-à-dire, aussi longtemps qu'il se maintient au pouvoir. Les semi-mafias et groupes qui se partagent le gâteau national, s'accrochent à tout prix à la puissance et au pouvoir. La hiérarchie chiite n'est pas semblable à une junte militaire qui peut un jour accepter de remettre le pouvoir à une forme plus « normale ». Nous avons déjà vu trois vagues de « réformes » venant de l’intérieur du régime. Elles n'ont abouti à rien, et les « réformateurs » ont été battus. La logique de toute vraie réforme réclame le retrait des mollahs de la scène politique et leur abandon du pouvoir. Dès que cette logique deviendra claire, les fondamentalistes organiseront une nouvelle riposte violente. L’une des conséquences des échecs répétés de ces réformes est que, peu à peu, aux yeux des iraniens, la nécessité du renversement révolutionnaire du régime devient de plus en plus populaire.
Khaménei et Bush savent que « la crise nucléaire » peut leur fournir la couverture pour plonger la société iranienne dans un état de couvre-feu militaire permanent, ce qui leur permet de contrer la remontée des luttes.
Houshang Sepehr
Septembre 2007